En juin 2019, le député LREM Mickael Nogal publiait son premier rapport « Louer en Confiance » (1), qui contient 37 mesures visant à pacifier les relations entre propriétaires bailleurs et locataires.
Difficultés d’accès au logement, discriminations de certains locataires, craintes des propriétaires concernant d’éventuels impayés… Les relations se tendent de part et d’autre, reflet d’un déséquilibre législatif entre les droits du locataire et du bailleur.
Ce rapport faisait suite aux sollicitations du Premier Ministre de l’époque, Edouard Philippe. Il est le résultat de 6 mois d’auditions des acteurs de l’immobilier locatif en France.
Comment les professionnels de l’immobilier peuvent-ils conserver l’esprit de la proposition de loi Nogal, qui n’a malheureusement pas été retenue ?
C’est à cette question qu’ont tenté de répondre Thomas Reynaud, CEO & Fondateur de Garantme , Jérôme Révy, Venture Partner de NCI, Mickael Nogal, Directeur général de ANIA, et Mehdi Hammache, Head of Sales de Garantme. Lors du congrès immobilier FNAIM de décembre 2022, ils se sont penchés sur les opportunités et discussions ouvertes par le rapport Nogal.
Si elle n’a pas été adoptée par l’Assemblée Nationale, la proposition de loi Nogal a permis de remettre sur la table les problématiques et points de blocages du parc immobilier locatif. Locataires en difficulté pour trouver un logement, multiplication des garanties demandées par les propriétaires qui, craignant les impayés, « se retrouvent parfois à la limite de l’illégalité » …
Voici les mesures phares que contenait la proposition de loi « visant à sécuriser les propriétaires bailleurs et à faciliter l’accès au logement des locataires ».
La proposition de loi Nogal prévoyait une garantie totale de perception des loyers pour les propriétaires bailleurs. Cela aurait été rendu possible par la création d’un nouveau mandat de gestion locative par les professionnels de l’immobilier. Avec ce mandat, les agences et les administrateurs de biens auraient été contraints de verser l’intégralité des loyers aux propriétaires à la date convenue, et ce même en cas d’absence de paiement de la part du locataire.
Pour les propriétaires, cela aurait été l’assurance de percevoir leur loyer chaque mois, quelle que soit la situation financière ou les difficultés potentielles du locataire. Il serait revenu aux administrateurs de biens et aux agences immobilières de collecter les loyers, et, en cas d’impayé, d’entamer des procédures de recouvrement auprès des locataires. Un moyen de sécuriser l’investissement locatif, et de le rendre plus sûr et plus attractif.
Cette garantie aurait permis de mettre fin à la discrimination de certains candidats au profil atypique et/ou fragile, dont les chances peuvent être compromises dès la phase d’analyse des dossiers. D’autant que même la garantie loyers impayés (GLI), souscrite par près de 10 % des propriétaires, impose des conditions d’éligibilité strictes.
Le dépôt de garantie (aussi appelé “caution” dans le langage courant), dont le montant est égal à un mois de loyer hors charges pour les logements non meublés et à deux mois de loyer pour les locations meublées, est le plus souvent encaissé directement par les propriétaires. Cette situation est source de contentieux : en effet, 65 % des actions en justice lancées par les locataires concernent la non-restitution du dépôt de garantie lors du départ du logement.
La proposition de loi Nogal mettait en place la consignation du dépôt de garantie par un tiers professionnel, de sorte qu’il ne pouvait être restitué au propriétaire ou au locataire qu’avec l’existence d’un accord commun.
La proposition de loi Nogal souhaitait limiter les garanties qu’un propriétaire peut exiger d’un locataire, en interdisant le cumul de celles-ci. Elle le précisait en ces termes : « les propriétaires ne pourront plus cumuler la caution avec d’autres garanties comme les assurances de loyers impayés, la garantie Visale ou le nouveau mandat de garantie totale créé par la présente proposition de loi ».
Plus question, donc, pour un propriétaire de demander une multiplicité de garants à son futur locataire : un seul garant par locataire aurait été autorisé, pour mettre fin aux dérives constatées dans les zones en tension.
L’un des objectifs premiers de la proposition de loi Nogal consistait à renforcer le rôle des agences immobilières. Cet objectif devait se traduire par une formation accrue des gestionnaires de biens, mais aussi par la création d’une certification Immo + permettant de justifier d’une bonne gestion administrative et comptable.
En 2023, le marché locatif est en pleine mutation : c’est le constat effectué par Thomas Reynaud, Jérôme Révy, Mickael Nogal et Mehdi Hammache.
Ce marché est aussi confronté à de fortes tensions. La concurrence est si forte que certaines villes font face à des pénuries de logements étudiants. En France, il existe aujourd’hui 1 logement pour 87 dépôts de dossier, ce qui rend l’accès à la location difficile dans certains endroits. Par ailleurs, les critères d’éligibilité à la location (être en CDI, gagner 3 fois le montant du loyer, etc.) ne sont plus alignés avec la réalité actuelle du marché du travail, qui voit l’entrepreneuriat gagner de plus en plus de terrain ? Dans le même temps, 67% des propriétaires sont inquiets à l’idée de mettre leur bien en location : ils craignent en effet les risques d’impayés.
Pour Mickael Nogal, si “la tension du marché locatif à court terme a des raisons profondes, qu’on ne pourra pas changer aussi rapidement”, l'apparition de nouveaux acteurs de la gestion locative est une bonne nouvelle.
Pour l’ancien député, les start-ups ont le potentiel pour faire évoluer le marché de l’immobilier et proposer des solutions innovantes, au contraire des acteurs traditionnels pour qui innover est plus difficile. Plus qu’à un changement structurel, il faut donc s’attendre à un ensemble de petits bouleversements individuels, qui mis ensemble ont le pouvoir de faire évoluer un secteur encore rigide.
Analyse plus rapide des dossiers locatifs, état des lieux facilité, sélection de candidats plus atypiques et réduction des risques encourus par les propriétaires grâce à l’assurance loyers impayés… Malgré un marché tendu, les solutions digitales parviennent à fluidifier les processus et à bousculer, étape par étape, l’ordre établi.
Les outils sont là : reste désormais aux professionnels à se mobiliser pour encourager, ensemble, l’émergence d’un changement systémique.
(1) https://www.vie-publique.fr/sites/default/files/rapport/pdf/194000510.pdf